L’Histoire de l’AFTHY
PÉRIODE 1 : 2016-2018
LES BESOINS ET LES PRÉMICES
BESOIN N°1 : ENCADRER LA PRATIQUE DE LA THERMOABLATION
Au départ, notre objectif était de créer le « club TAT », que nous envisagions ensuite de nommer AFTI (Association Francophone de Thyroïdologie Interventionnelle). Avec Hervé Monpeyssen, nous avons réalisé que la pratique encore naissante de la thermoablation, menée à l’époque par 5 ou 6 praticiens, nécessitait un encadrement rigoureux, homogène et partagé. Il nous paraissait crucial d’échanger nos expériences, nos doutes et nos idées tant que le groupe restait à taille humaine.
Simultanément, en tant que membres du groupe « SFE interventionnel », nous avions pour ambition de rédiger rapidement des recommandations en vue d’obtenir un remboursement et ainsi de favoriser la diffusion de cette technique.
Très vite, nous avons compris que la bonne pratique de la thermoablation impliquait ce que j’ai qualifié de réhabilitation du diagnostic en thyroïdologie. Il est devenu évident que la thyroïdologie diagnostique et interventionnelle étaient indissociables. Ainsi, l’AFTI est devenue l’AFTHY (Association Francophone de THYroidologie).
Sans une expertise diagnostique solide, les interventions peuvent se révéler inappropriées, voire dangereuses.
BESOIN N°2 : UNE ASSOCIATION DE THYROIDOLOGIE
Créée en 2017, l’AFTHY (Association Francophone de THYroidologie) est née pour accompagner l’évolution de la thyroïdologie, tant dans sa conception que dans sa pratique. Elle s’inscrit dans la lignée d’autres sociétés multidisciplinaires dédiées à la thyroïde, telles que l’ETA et l’ESE en Europe ou encore l’ATA et l’Endocrine Society aux États-Unis. De nombreux pays, comme les États-Unis, l’Italie ou la Belgique, voient coexister des sociétés multidisciplinaires dédiées à la thyroïde et des sociétés d’endocrinologie. Le même schéma existe dans d’autres domaines, comme le diabète.
En France, il n’existait jusqu’à présent que le GRT (Groupe de Recherche sur la Thyroïde), initialement indépendant avant d’être rattaché à la SFE (Société Française d’Endocrinologie) en 2012. Bien que son objectif principal soit la recherche, le GRT a également contribué à l’enseignement à travers des journées annuelles et des webinars récents. Cependant, le GRT n’a pas été conçu pour rassembler tous les acteurs du soin de la thyroïde.
De nombreux endocrinologues surspécialisés en thyroïdologie se sentent isolés dans leur pratique et recherchent une formation continue spécifique. Or, les réunions des sociétés scientifiques d’organe ne peuvent pas toujours consacrer une part importante de leur programme à la thyroïde. Par ailleurs, les congrès de la SFE abordent rarement des sujets tels que la pratique échographique diagnostique ou interventionnelle, ce qui laisse un vide pour les praticiens en quête de formation.
Tous ressentent le besoin d’une association qui leur permettrait de se retrouver, de s’identifier, d’échanger, de bénéficier d’une veille documentaire et de l’accès à des experts. Avec le temps, cette association pourrait constituer une base de données, des groupes de pairs, et fournir des avis spécialisés.
LA FONDATION DE L’AFTHY : L’ACTE DE SÈTE (Mai 2021 à Sète)
Le rôle initial de l’AFTHY visait à offrir une cohésion, une visibilité, des échanges et un partage d’informations, tout en assurant une veille documentaire, une voix dans l’établissement des recommandations et une formation continue à travers des journées scientifiques dédiées.
Le véritable « plus » de l’AFTHY est né d’une idée inspirée par l’accord des Bermudes, également connu sous le nom de « Wellcome Trust ». En 1995, la découverte des gènes BRCA1 et BRCA2 a suscité une prise de conscience des impacts financiers et thérapeutiques liés à leur monopole. Les chercheurs du projet génome humain ont alors convenu que toutes les informations sur la séquence du génome devaient rester publiques, afin d’éviter une appropriation privative.
Lors d’une réunion aux Bermudes, symbole de la coopération entre les continents, un accord a été établi entre chercheurs, leur permettant de partager librement leurs idées et travaux. Cette collaboration a donné naissance au Wellcome Trust et à ses trois principes fondateurs :
- Diffusion automatique des assemblages de séquences de plus de 1000 bases sous 24 heures.
- Publication immédiate des séquences annotées finalisées.
- Libre accès à la séquence pour la recherche et le développement, dans l’intérêt de la société.
C’est cet esprit de partage et d’ouverture que l’AFTHY cherche à promouvoir. Nous avons présenté cette idée lors des 7èmes Ateliers Thyroïde de Sète, et l’enthousiasme généré a permis de constituer un conseil scientifique composé d’experts motivés venant de divers horizons (endocrinologues, chirurgiens, isotopistes, biologistes).
Ce mouvement de partage a d’ailleurs commencé après un dîner aux JFR en 2016, avec la création d’un groupe WhatsApp. Ce groupe, où nous partageons nos cas intéressants, sollicitons des avis collégiaux, et échangeons des articles, incarne déjà « l’esprit AFTHY » :
- Une banque de cas avec images et vignettes cliniques.
- Des avis collégiaux.
- Des partages d’articles.
- Et l’idée que l’excellence repose aussi sur l’amitié et les relations humaines.
PÉRIODE 2 : 2018-2021
L’ÉCRITURE DU PROJET
Malgré les doutes exprimés par certains sur la pertinence ou l’utilité d’un tel projet, l’AFTHY a continué d’avancer avec ouverture d’esprit et résilience. Les remarques ont été accueillies, analysées, et ont permis au projet de mûrir et de se renforcer. La pandémie de COVID-19 n’a pas non plus freiné l’initiative.
En mai 2021, lors des 10èmes Ateliers Thyroïde à Sète, sept membres fondateurs ont signé l’acte de naissance de l’AFTHY, seulement deux jours après la fin du déconfinement en France. Cela marquait officiellement la création de l’AFTHY, bien que l’association n’était pas encore totalement fonctionnelle. Il lui manquait encore un bureau, un conseil d’administration, un site internet, et surtout un espace de partage de données, éléments essentiels pour son fonctionnement.
Cependant, les trois années suivantes ont révélé que l’AFTHY était bien plus qu’un simple projet en développement. Avant même de devenir une société pleinement opérationnelle, l’AFTHY s’est affirmée comme un esprit, une philosophie unissant les professionnels de la thyroïdologie autour d’un objectif commun : le partage des connaissances et la production de projets concrets.
PÉRIODE 3 : 2021-2024
LA MATURATION FINALE
Au début, je me demandais quelle était la véritable utilité de l’AFTHY. C’est en assistant aux événements décrits ci-dessous que j’ai compris que ce projet était non seulement solide, mais qu’il reposait avant tout sur des femmes et des hommes engagés.
Durant cette période, de nombreux contacts ont été établis et des « endorsements » (approbations, ou soutiens) ont suivi. Grâce à ses activités de formation, ses projets, et surtout l’esprit qui anime ses membres, l’AFTHY a été officiellement adossée (ou « approuvée », j’aime ces deux traductions) par l’European Thyroid Association, grâce au soutien de son comité exécutif et à la bienveillance de son président Leonidas Duntas. De plus, elle a été adoptée par le groupe « euro-MITT », dont Hervé Monpeyssen et moi-même faisons partie en tant que membres fondateurs.
L’AFTHY a également été accueillie par la Société Francophone d’Échographie et la Société Marocaine d’Endocrinologie et Diabétologie. Bien que l’officialisation ne soit encore qu’une formalité, il s’agit simplement d’un échange de mails à finaliser.
Des signes tangibles d’approbation ont également été observés dans les enseignements. Plusieurs membres ont intégré le logo de l’AFTHY dans leurs présentations, symbolisant ainsi l’esprit de partage qui anime ceux qui enseignent et échangent.
Les premières publications « On behalf of AFTHY » ont aussi vu le jour. Cette mention témoigne de l’engagement collectif des auteurs et de la cohésion autour d’une charte commune. Les premiers articles sont parus dans le Journal of International Diabetes Institute (JIDI), suivis par des publications dans Current Oncology sous l’impulsion de Pierre-Yves Marcy, puis dans European Radiology sous ma propre initiative. D’autres projets ambitieux sont également en cours, en partenariat avec plusieurs CHU.
L’Europe a fait des progrès significatifs, notamment sous l’impulsion des Italiens et des recommandations européennes de 2020. À ce jour, la thermoablation se diffuse dans plusieurs pays européens, tels que l’Espagne, le Portugal, la Suisse, la Belgique et la Hongrie.
En France, le consensus de 2022 a marqué une étape importante en intégrant la thermoablation dans les algorithmes de traitement des nodules bénins et même des microcarcinomes papillaires. Il est à noter que le consensus de 2021 sur les goitres mentionnait déjà cette technique pour traiter le nodule dominant.
Aux États-Unis, à partir de 2020, deux sociétés savantes de thyroïdologie interventionnelle, NASIT et NASOIE, ont vu le jour. Elles jouent un rôle clé dans la diffusion de cette pratique et le partage de données. Je vous invite vivement à visiter leurs sites internet pour découvrir leurs activités.
Dans les pays du Maghreb, où j’interviens régulièrement, on observe une belle synergie entre les médecins hospitaliers et les praticiens libéraux, qui unissent leurs forces et leurs compétences avec une bienveillance remarquable. Lors des réunions locales, la magie de cette collaboration est palpable. Non seulement ces professionnels s’équipent de générateurs pour la pratique de la thermoablation, mais ils tiennent à bénéficier d’une formation rigoureuse et de haute qualité.
Trois ans après sa fondation, l’AFTHY est officiellement née le 17 mai 2024 à Sète, marquant une étape importante dans l’histoire de la thyroïdologie francophone. Deux forces complémentaires se sont alors réunies : d’une part, le Groupe de Recherche sur la Thyroïde (GRT), solidement établi, et d’autre part, l’AFTHY, nouvelle mais prometteuse. Ce moment a représenté l’opportunité de faire connaissance, de s’unir tout en respectant les singularités de chacun.
Le symbole de cette union a été le “dîner des présidents” en juillet 2024, où Lionel Groussin et Hervé Monpeyssen ont entamé le processus d’unification. Cette alliance entre une association francophone et un groupe de recherche est unique en Europe et renforce les liens avec la Société Francophone d’Endocrinologie (SFE), la société mère. Cette collaboration promet de riches échanges scientifiques et de nouveaux horizons pour la recherche et la pratique de la thyroïdologie.